«Il renferme […] les trois mémoires de l’Andalousie, mêlées de façon inextricable: la musulmane, savante et raffinée; la juive, pathétique et tendre; la gitane enfin, rythmique et populaire», écrivait Sophie Galland à propos du flamenco dans Le Courrier en 1996. Qui dit flamenco dit Espagne. Pourtant, son origine est bien plus lointaine. Pas besoin non plus d’aller en Inde, son vrai berceau. Le théâtre national de la danse Chaillot (16e) reprend sa biennale d’art flamenco du 3 au 18 février 2022. Amateurs, passionnés ou simples curieux: ce rendez-vous incontournable arrive bientôt.
Entre éclectisme et esprit de découverte, cette cinquième édition ne déroge pas à la règle. Des figures incontournables et des têtes chercheuses, voici les noms présents cette année: les expérimentations de Florencia Oz ou de Paula Comitre, le retour de Rafaela Carrasco, la rencontre inattendue de Jann Gallois et David Coria, et la plongée au cœur des traditions flamenca par l’illustre Farruquito…
Commençons par Rafaela Carrasco et son spectacle Ariadna [al hilo del mito]. La danseuse et chorégraphe s’entoure de huit danseurs, chanteurs et guitaristes pour nous faire vivre un voyage flamenco sous forme de tragédie grecque. Une introspection au cœur du labyrinthe de nos peurs les plus profondes. Nourrie du flamenco le plus authentique, Rafaela Carrasco est en même temps ouverte à toutes les aventures contemporaines.
Ensuite, la première mondiale d’Alegoria de la lumineuse et ardente Paula Comitre, star montante du flamenco. «Tout ce que nous voyons est-il réel?», s’interroge-t-elle. Ou bien notre monde est-il seulement peuplé d’apparences? À ses côtés, elle convie la danseuse contemporaine Lorena Nogal. La force de leurs personnalités et la diversité de leurs gestuelles composent une dialectique à deux corps, à la convergence du sensible et de l’intelligible. Une réflexion où les éléments et concepts de la danse traditionnelle espagnole sont repensés à travers un regard contemporain.
Imperfecto de David Cordia & Jann Gallois vient après. Et pareillement, en première mondiale. L’un issu du flamenco. L’autre, de la danse hip-hop. Ensemble, ils brisent les frontières de la danse et font fusionner leurs disciplines. Tantôt nobles tantôt sauvages, assoiffés de curiosité, leurs corps se rejoignent dans une même émotion: se découvrir l’un l’autre et se découvrir à soi-même. De leurs imperfections –d’où le titre–, naît une émotion nouvelle. Un défi passionnant pour deux artistes d’exception, porté par le chant inspiré de David Lagos.
Cordia et Gallois laissent la place à Antípodas de Florencia Oz. La réunion de la bailaora Florencia et la musicienne Isidora, deux jumelles nées au Chili mais d’âme andalouse, promet un spectacle intime. Leur dialogue chorégraphico-musical est une expérience sensible où le flamenco et les rythmes percussifs de la première épousent la mélodie instrumentale et le chant de la seconde. Dans une esthétique épurée, Antípodas explore le thème du double, depuis le temps organique où elles «étaient un», jusqu’aux marges «où finit le moi et où commence l’autre».
Mesdames, Messieurs: Farruquito. Pas besoin de présentation. Le danseur raconte, dans une atmosphère intimiste, les origines et l’histoire du flamenco. La danse dans son état le plus pur. Íntimo, qu’il interprète en solo accompagné de ses musiciens fétiches, plonge en six séquences, de la seguiriya (style de chant flamenco) à l’exaltante fin de fiesta, au cœur de l’histoire et des traditions flamenca. Un voyage éblouissant au cours duquel le Maestro revisite sa propre identité.
Last but not least, Nerja de Rafael Riqueni. Il a choisi pour thème l’histoire de la découverte fortuite en 1959, au sud de l’Andalousie, d’un exceptionnel ensemble de grottes préhistoriques ornées par un groupe de jeunes gens. Tel un conte sonore, Nerja nous entraîne sur leurs pas avec pour guide la magnétique Maria Moreno, danseuse dotée d’une forte personnalité et nourrie de la plus pure tradition. Un concert virtuose pour une authentique «fantaisie espagnole».
Infos pratiques
1, place du Trocadéro 75016 Paris | |
Du 3 au 18 février 2022 | |
Site internet |