Alice Neel : la peinture américaine et l’engagement politique

Peinture Alice Neel

Alice Neel, Rita et Hubert, 1954 / © The Estate of Alice Neel and David Zwirner, photo Malcolm Varon

 

Voici une exposition ancrée profondément dans le présent même si sa protagoniste est née à l’aube du 20e siècle. Le Centre Pompidou dévoile Alice Neel, un regard engagé. Cette figure majeure de l’art Nord-américain n’a cessé de peindre les marginaux de la société américaine. Immigrés, noirs, homosexuels… Mais pas que… Grandma, comme l’appelait affectueusement la presse, les a tous immortalisés dans des tableaux sans concession. Jusqu’au 16 janvier 2023, l’acuité de ses portraits vont frapper vos yeux.

 

Une salle de dimensions modestes pour une artiste et une œuvre énormes. L’exposition au Centre Goerges Pompidou, niveau 1, se divise en deux parties librement conçues autour des thématiques qui résonnent avec le monde d’aujourd’hui. D’un côté, la lutte des classes. De l’autre, la lutte des sexes. Le parti pris de la commissaire Angela Lampe est de mettre en lumière l’engagement politique et social de l’artiste. Alice Neel (1900-1984) était militante communiste et défendait la cause des femmes.

 

Le parcours s’étale depuis les premières œuvres de la fin des années 1920, jusqu’aux dernières réalisées avant sa mort en 1984. Au total, 75 peintures et dessins accompagnés d’un portrait d’Alice Neel par Robert Mapplethorpe, un travail de Jenny Holzer à partir du dossier FBI de l’artiste et des productions filmiques.

 

Contre l’injustice sociale

« En politique comme dans la vie, j’ai toujours aimé les perdants, les outsiders. Cette odeur de succès, je ne l’aimais pas »,  Alice Neel

L’engagement d’Alice Neel n’est jamais abstrait, mais nourri de vraies expériences. Elle habitait dans les quartiers populaires et multiethniques de New York : Greenwich Village, Spanish Harlem… Là-bas elle se sent proche de ses modèles auxquels elle cherchait à s’identifier.

 

L’artiste a réalisé d’innombrables portraits : amis, amants, voisins, artistes, poètes, critiques d’art… Mais surtout des délaissés et ignorés de la société : les immigrés latino-américains, les noirs, les petites frappes dont la rue est le royaume. Toutes ces personnes qui auparavant restaient dans l’obscurité et tombaient dans l’oubli. L’élection de ses sujets est son premier geste politique. Le second réside dans son choix de cadrage, une frontalité qui interpelle.

 

Pour l’égalité de sexes

« J’ai toujours pensé que les femmes devaient s’indigner et cesser d’accepter les insultes gratuites que les hommes leur infligent », Alice Neel

En tant que sympathisante communiste, Neel s’est intéressée tout au long de sa vie autant aux injustices qu’aux inégalités. Elle dénonçait la ségrégation raciale et la discrimination à l’encontre des femmes et des homosexuels. Ses peintures reflètent ses engagements et mettent en question le rôle traditionnel des femmes, qu’elle fait sortir des « sphères de la féminité ».

 

Icône du féminisme militant, Alice Neel a beaucoup peint les femmes : des nus féminins très éloignés du canon traditionnel façonné par le regard masculin. Et des femmes enceintes dans leur plus simple appareil, sans aucun sentimentalisme. Elle a même fait le portrait d’une victime de violences conjugales.

 

Longtemps ignorée de son vivant, Alice Neel est restée avec sa peinture figurative à contre-courant des avant-gardes qui ont marqué la scène de New York : abstraction pop art, art minimal et conceptuel… Elle n’a jamais perdu son indépendance ni comme artiste ni comme femme.