Un géant de la photographie mondiale. Observateur attentif, chroniqueur de l’American way of life, annonceur de la douce France, voyageur infatigable, reporter global, homme-monde. La plus exhaustive exposition d’Elliott Erwitt est à visiter au musée Maillol (6e) jusqu’au 24 septembre 2023. Ironie, tendresse, humour, beaucoup d’humour… On est immédiatement saisi par sa démarche artistique et par l’humanité que dégage chacune de ses photographies. Après une journée ou une semaine chargées, faites le tour de cette magnifique exposition. Partez l’esprit léger, tellement ces clichés font du bien.
Des photographies prises dans une vingtaine de pays : Japon, Philippines, Etats-Unis, Cuba, Brésil, Grande-Bretagne, France, Italie, Russie, Afghanistan… Des portraits de célébrités telles que Jackie Kennedy, Marilyn Monroe, Alfred Hitchcock, Ernesto “Che” Guevara, Charles de Gaulle, Richard Nixon, Nikita Khrushchev, Barack Obama… Mais aussi, le quotidien familial, le monde de la mode et du cinéma, la publicité, l’architecture… « Elliott Erwitt est un homme-monde ancré dans les deux rives de l’Atlantique : à la fois pour son enfance en Europe (France et Italie), l’origine russe de sa famille et son activité professionnelle aux Etats-Unis », commente Isabelle Benoit, commissaire de l’exposition Elliott Erwitt.
Un photographe polymorphe
L’œuvre d’Elliot Erwitt est l’une des plus polymorphes de tous les photographes contemporains. Peintre de l’intime, photojournaliste, photographe publicitaire, réalisateur de films… Dans une production artistique aussi diverse, il est difficile de trouver un principe unique de classement. L’exposition Elliott Erwitt fait donc une distinction entre le noir et le blanc pour ses œuvres personnelles, et la couleur pour les travaux de commande.
Plus de 200 photographies datant de 1948 à 2009 font partie du parcours divisé en plusieurs thèmes : Between the Sexes, Kids, Beaches, Abstractions, Cities, Dogs, Regarding Women, Museum Watching et Kolor (clin d’œil au fondateur de Kodak, George Eastman). Les intitulés sont en anglais suivant la volonté du photographe, qui a également souhaité des cartels réduits à la date et au lieu du cliché. « Je veux que les gens réagissent émotionnellement à mes photos, pas avec le cerveau […]. Vous pouvez ressentir l’impact d’une bonne image sans savoir de quoi il s’agit ».
Par ailleurs, les commissaires ont pris le parti d’utiliser les autoportraits d’Elliott Erwitt pour introduire chaque section. Ils sont le plus souvent en relation avec le sujet traité et toujours dans l’esprit facétieux qui est la marque de fabrique de l’artiste. Mis en espace dans les perspectives offertes par les enfilades des pièces du musée Maillol, ces autoportraits orientent le regard des visiteurs.
Un pickpocket de grande classe
L’humanisme est surtout le trait distinctif de son œuvre. « Dire qu’il y a de l’humanité dans mes photos est le plus grand compliment qu’on ne m’ait jamais fait », dit-il. Erwitt éprouve de la tendresse pour ses frères humains (mais également pour ses frangins canins !). Il les contemple et les saisit dans leur humanité, le plus souvent avec un sourire en coin… Parfois, lorsque la souffrance submerge tout, avec une évidente compassion dont toute ironie est absente. Pas de « message » à assener, ni de politique à défendre, du moins telle qu’on la comprend d’habitude. Si « message » il y a, c’est celui d’une constante et généreuse empathie.
Erwitt est, selon les mots du scénariste Marshall Brickman (ancien collaborateur de Woody Allen), « un pickpocket de grande classe ». Et pour son ami Henri Cartier-Bresson, son vieux compagnon de l’agence Magnum, « Elliott a accompli […] un miracle en travaillant simultanément sur des campagnes commerciales et des bouquets de photos volées où l’on perçoit le parfum et le sourire de son moi profond ».