« La chose que l’on porte sur soi ». C’est la définition toute simple du terme japonais kimono. Pourtant, l’histoire de cette tenue est longue et complexe. Est et Ouest, masculin et féminin, tradition et avant-garde… Jusqu’au 28 mai 2023, l’exposition Kimono au musée du quai Branly – Jacques Chirac (7e) fait bouger les lignes. Elle renverse la vision d’un habit traditionnel, immuable et hors du temps. Et invite le public à contempler ce « symbole nippon ultime » comme un objet vivant qui s’adapte à la mode, aussi bien au Japon qu’ailleurs.
L’exposition présente des pièces rares et remarquables, dont un kimono créé par Kunihiko Moriguchi, « trésor national vivant » au Japon. Elle expose également des tenues célèbres associées à la culture populaire comme les costumes originaux des films Star Wars. Les créations des plus grands couturiers comme Paul Poiret, Yohji Yamamoto et John Galliano révèlent le rôle du kimono comme source d’inspiration. Plusieurs de ces vêtements sont exposés pour la première fois en France.
« Au fil de pièces extraordinaires qui magnifient la variété de ses factures et la richesse de ses renouvellements, le kimono se livre en emblème d’un Japon qui influence le monde et se laisse influencer par lui. […] Le muséé célèbre l’universel d’une création qui épate l’œil dans le miracle du savoir-faire ». Emmanuel Kasarhérou, président du musée du quai Branly – Jacques Chirac.
Trésor national vivant
Le kimono est un vêtement à coutures droites, fermé par une ceinture nouée à la taille. Sa couleur, ses motifs et sa technique indiquent le statut et le goût de celui qui s’en pare. Dans la tenue japonaise, le corps a peu d’incidence ; c’est la surface plate du kimono qui importe. L’habit occidental, a contrario, présente une coupe et une structure destinées à souligner ou camoufler les formes du corps.
Durant la plus grande partie de l’époque Edo (1603-1868), le Japon restreint de façon extrême les relations avec l’international. La Compagnie néerlandaise des Indes Orientales établit des liens commerciaux avec l’archipel nippon. Elle réussit à y introduire des tissus et à exporter des kimonos vers l’Europe durant l’époque Meiji (1868-1912). Au début du 20e siècle, les formes droites et le drapé du kimono commencent à influencer profondément les stylistes européens. L’engouement pour le kimono se répand dans le monde entier.
L’exportation à grande échelle de la soie et d’autres biens artistiques représente un véritable tournant dans l’économie japonaise. En Europe et dans d’autres pays du monde, ces exportations sont à l’origine d’une vogue « japonisante ». Les couturiers européens renoncent aux vêtements hautement structurés et corsetés au profit d’épaisseurs de tissus moins taillées et plus fluides. Au Japon, les nouvelles modes vestimentaires occidentales deviennent très populaires.
Après la Seconde Guerre mondiale, le kimono devient un emblème de l’identité nationale et culturelle du Japon. Beaucoup le portent comme un costume de cérémonie réservé aux grandes occasions. En 1955, le gouvernement japonais cherche à préserver les pratiques ancestrales et donne aux créateurs le statut de « trésor national vivant ».
Un fleuron de la mode actuelle
Le Japon assiste aujourd’hui à une véritable renaissance de cette tenue. Dans la rue, les jeunes personnalisent leurs propres kimonos. Et dans les ateliers, une nouvelle vague de créateurs se l’approprie de façon innovante et parfois subversive. Pourtant, cette nouvelle tendance ne s’arrête pas au Japon. Elle se manifeste aussi sur les podiums et dans la culture populaire du monde entier. La capacité du kimono à être déconstruit et restructuré, traduit ou modifié, en fait un fleuron de la mode remarquablement flexible.
Le Japon est souvent considéré comme un lieu où le passé et le futur, la culture traditionnelle et l’influence occidentale, coexistent harmonieusement. Réinterprété par de nombreux créateurs dans le monde entier, le kimono continue d’exercer une influence prépondérante sur la mode internationale.
Kimono est une exposition itinérante conçue et organisée par le Victoria and Albert Museum. Les commissaires sont Anna Jackson et Josephine Rout, conservatrices du département Asie de l’institution londonienne.