De la Terre à Mars en passant par la lune. Le Britannique Norman Foster est une figure capitale de l’architecture mondiale. Plus de 400 projets dans pas moins de 40 pays font de lui l’architecte global de tous les superlatifs. Le spectaculaire viaduc de Millau dans l’Aveyron est l’une de ses œuvres emblématiques. Jusqu’au 7 août 2023, le Centre Georges Pompidou (4e) dédie près de 2 200 mètres carrés à son travail. En arpentant l’exposition Norman Foster, ce sont bien des pays et des continents qu’on traverse. Mais le voyage ne finit pas là…
La rétrospective retrace les différentes périodes du travail de l’architecte et met en lumière ses réalisations déterminantes. Dessins, esquisses et maquettes originales, ainsi que de nombreuses vidéos, permettent de découvrir 130 projets majeurs. La scénographie de l’exposition est conçue par Norman Foster. Il a même rédigé à la première personne les textes des œuvres exposées. Le parcours se déploie en sept thématiques : « Nature et urbanité », « Enveloppes et structures », « La ville verticale », « Histoire et tradition», « Sites et planifications », « Réseaux et mobilités » et « Perspectives futures».
Couvrant près de 60 ans d’une activité déployée sur les six continents, l’exposition retrace l’évolution de l’agence Foster+Partners. La Norman Foster Fondation fait aussi partie de la rétrospective à travers la planification de lieux communautaires en Inde ou la reconstruction de la ville dévastée de Kharkiv en Ukraine. Des œuvres de Fernand Léger, Constantin Brancusi, Umberto Boccioni et Ai Wei Wei sont également exposées. Elles constituent les sources d’inspiration de Norman Foster et résonnent avec l’architecture.
Architecte de dimension planétaire
Se confronter à l’œuvre de Norman Foster, c’est immédiatement évoquer les projets qui semblent les plus marquants. Ceux qui se confondent à l’image d’une ville, d’un territoire ou qui, plus simplement, ont changé la forme d’un site ou la configuration d’un lieu, d’une place. Mais aussi, grands aéroports, réseaux de transports, gratte-ciels, sièges de grandes entreprises, bâtiments publics, ouvrages d’art, programmes d’aménagement urbains, musées… L’architecte britannique aura investi toute la complexité des organisations des grandes sociétés industrielles.
Norman Foster s’est toujours attaché au concept de mobilité, de liaison entre les territoires, les villes et les pays. Cette notion de communication l’a amené à être un architecte de dimension planétaire. La croissance du transport aérien lui a offert l’occasion de réinventer les terminaux internationaux. Ceux qu’il a construits, il les a élevés au rang de porte d’entrée d’un pays, avec tout le symbolisme que cela suppose.
De Koweït à Mexico en passant par Amman, Pékin, Hong Kong et Londres, les aéroports occupent une place de choix dans l’exposition et dans le cahier de commandes de Foster. Celui de Koweït, en construction, s’adapte au climat du pays, s’inspire de l’architecture et des matériaux locaux et se fond dans le paysage. Le terminal 3 de l’aéroport de Pékin-Capitale, dont la structure est en forme de dragon, emprunte les couleurs et les symboles traditionnels chinois et se veut l’exaltation et la poésie d’un vol.
Maximiser les différences
Selon l’architecte, les tendances de mobilité et d’espace public sont mondiales, que ce soit à Séoul, à Boston ou à Madrid. « Nous constatons que les systèmes routiers sont partiellement enfouis ou détournés et que l’on donne plus d’espace aux individus et à la nature. Ce qui se passe en surface est lié à un endroit particulier ; chaque ville est différente. Le défi consiste à maximiser les différences plutôt qu’à tout homogénéiser. La réponse est donc d’encourager cette culture locale, d’y être sensible et d’avoir le meilleur des deux mondes ».
« Tous les projets sont marqués par le contexte. C’est indéniable. Il est en éveille sur le monde », rétorque Frédéric Migayrou, qui assure le commissariat de l’exposition Norman Foster.
La lune et la planète Mars
La fondation Norman Foster en collaboration avec l’Agence spatiale européenne et la NASA explorent le développement de technologies qui permettraient des projets sur la Lune ou sur Mars. Ils s’attaquent à l’édification d’un habitat sur chaque lieu. On retrouve à la fois l’idée d’une construction vernaculaire (celle qui n’est pas faite par des architectes) à l’image des architectures de terre en Afrique. Et puis ces structures de hautes technologies. Foster conçoit des gonflables qui seraient recouverts de régolithe grâce à des impressions 3D. Le régolithe est la couche de poussière à la surface d’une planète sans atmosphère ou d’un satellite.
« Les structures en forme de dôme [sur la lune ou sur Mars] présentent des similitudes visuelles avec le système aéroportuaire pour les drones, que nous avons proposés pour les territoires ruraux de l’Afrique centrale. En effet, ces projets utilisent la terre comme matériau local de construction. Les inspirations et rêves de science-fiction de mon enfance donnent aujourd’hui vie à des projets bien réels », écrit Norman Foster dans l’un des textes de l’exposition.
Né en 1935 à Manchester, Norman Foster sort diplômé en architecture et urbanisme de l’Université de Manchester en 1961. Il décroche peu après une bourse pour l’Université de Yale, où il obtiendra une maîtrise en architecture (1961-1962). C’est là qu’il rencontrera son compatriote Richard Rogers, futur complice de Renzo Piano pour la conception et la réalisation du Centre Pompidou. Ce bâtiment est l’un des premiers manifestes du courant architectural « High Tech », dont Foster est un des leaders. Plus de 60 ans après, il s’y voit le sujet de la plus grande exposition dédiée à un architecte vivant. La boucle est bouclée.