Nobuyoshi Araki: le sexe, l’absence, la répulsion, la ville, l’infini…

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Nobuyoshi ARAKI, Shi Nikki (Private Diary), 1993 / © Nobuyoshi Araki – Taka lshii Gallery

«L’un des photographes les plus extrêmes, les plus maniaques et les plus créatifs du Japon». Simon Baker, directeur de la MEP, décrit ainsi Nobuyoshi Araki. La Bourse de Commerce – Pinault Collection expose, jusqu’au 14 mars 2022, la série de 101 photographies en noir et banc: Shi Nikki (Private Diary) for Robert Frank. Images explicites et sans concession juxtaposées à des photographies du quotidien, Araki explore son environnement intime et s’interroge sur son désir et la perte.

Nobuyoshi Araki a réalisé cette série en 1993. Dans l’austérité du studio ou dans l’intimité de la chambre, le photographe saisit le modèle féminin dans des postures de stricte frontalité, tout comme dans des mises en scène érotiques. Ces images sont rythmées de photographies du quotidien: natures mortes, rues et ciel de Tokyo, son chat… Parmi elles, les photos de rues font écho au travail de Robert Frank (1924-2019), pionnier de la photographie américaine et auteur du célèbre Les Américains publié en 1958. C’est justement à lui qu’Araki dédie cette série.

Le portfolio, réalisé trois ans après le décès prématuré de sa femme Yoko Aoki, «porte en lui cette blessure, cette noirceur, qui marqua un tournant de l’œuvre de l’artiste. […] La force de la série réside en ce que la narration ne se borne qu’à une suggestion non prescriptive, plus émotionnelle que logique où une figure remplace une autre figure, où les espaces publics succèdent à la chambre à coucher, où il y a l’avant et l’après, la vie et la mort. Les œuvres dialoguent et les thèmes s’interconnectent: le sexe, l’absence, la répulsion, la ville, l’infini. Le banal côtoie l’explicite, l’éternel et l’éphémère…», dixit Mathieu Humery, commissaire de l’exposition.

Pour Simon Baker, Shi Nikki (Private Diary) for Robert Frank peut sembler, à première vue, «une œuvre délibérément incohérente, une compilation de toutes sortes de choses et de lieux plutôt qu’une série homogène. Mais comme elle a été créée par un artiste pour qui même les mots simples ont des significations glissantes, il est ici peut-être plus indiqué de considérer l’ensemble des images comme un autre type de pseudo-journal, une exploration photographique des espaces entre le réel et tous ses opposés potentiels».

Ingénieur de formation, Nobuyoshi Araki (né en 1940 à Tokyo) devient cameraman, puis photographe. En 1971, il publie «Voyage sentimental», où son mariage et sa nuit de noces sont dévoilés sous la forme d’un journal. Dès les années 1980, il utilise la photocopie comme moyen de présentation de ses clichés qui mettent en scène fleurs et natures mortes, prostituées et paysages des rues de Tokyo. Son œuvre révèle les mutations de la culture nippone à travers une démarche autobiographique, entrelaçant les thèmes de l’érotisme, de la mort, du temps et de la ville. Artiste prolifique, figure médiatique au Japon, Araki a inspiré des artistes comme Sophie Calle ou Roman Opalka.

Araki, le photographe dont le cœur explosait d’amour pour sa femme Yoko jusqu’au point de documenter en détail et compulsivement le bonheur de leur lune de miel comme la tragédie de sa mortC’est aussi celui qu’on associe immédiatement aux images de kinbaku, une forme de bondage japonais traditionnelle et hautement ritualisée.

Nobuyoshi Araki a un jour révélé que la première photo qu’il prend chaque matin est une image du ciel depuis son balcon: «vous vous lavez les dents, moi je me lave les yeux».

Incontournable!

 

Infos pratiques

 

2, rue de Viarmes, 75001 Paris
Jusqu’au 14 mars 2022
Site internet