Dossier

L'Index des cités interculturelles attribue à Paris une mauvaise place

Le Conseil de l’Europe attribue à Paris une mauvaise place dans l’Index des cités interculturelles: la 58e place sur 87 villes étudiées. Pourquoi un si peu flatteur score pour Paris la « ville-monde » ?

© Robert V. Ruggiero

Auteur : Wilson Osorio

Temps de lecture : 12 minutes

Un Parisien sur cinq est né à l’étranger. Plus d’une centaine de nationalités se côtoient dans les rues de la capitale. Un peu plus de 20% de la population parisienne et francilienne est issue de l’immigration. Pourtant, les premiers et derniers résultats de la Ville de Paris dans l’Index des cités interculturelles (ICC) du Conseil de l’Europe de 2017 est médiocre: la 58e place sur 87 villes étudiées; 31e sur 39 villes de plus de 200 000 habitants; et 30e sur 36 villes comptant plus de 15% de résidents nés à l’étranger. Paris est loin derrière Montréal, Barcelone, Zurich, Mexico… Pourquoi un si peu flatteur score pour Paris la «ville-monde»?

 

L’Index étudie l’approche interculturelle de l’intégration dans des villes aux populations diverses. Cette démarche vise à assurer l’égalité et la cohésion sociale et à encourager la mixité et l’interaction entre les habitants. Dans ce cadre, l’Index aide les villes à mesurer leurs progrès, à identifier leurs forces et faiblesses et à déterminer où concentrer leurs efforts. Il sert également à évaluer l’efficacité des politiques d’inclusion interculturelle. Et permet aux villes de comparer leurs progrès et de découvrir de bonnes pratiques.

 

Réussites et défauts

L’Index comporte 73 questions regroupées en plusieurs indicateurs qui ont un poids différent et peuvent atteindre jusqu’à 100 points. Chaque ville y participe de manière volontaire. Paris excelle dans l’indicateur Perspective internationale (100 points). Elle réussit également dans Engagement (81), Vie culturelle et publique (75), Éducation (67), et Accueil de nouveaux arrivants (60). Ses résultats sont légèrement en dessous de la moyenne dans Espaces publics, Médiation et résolution de conflits et Quartiers.

 

En revanche, la performance de la Ville de Paris est insuffisante voire très insuffisante pour les indicateurs Langues (49), Entreprises et marché du travail (40), Services publics (25), Médias et communication (25), Veille et compétences interculturelles (22), et Gouvernance de la diversité (17). Cet article s’intéresse aux quatre derniers indicateurs où Paris a eu le score le plus bas.

 

Selon Jean-Luc Romero-Michel, adjoint à la Maire de Paris en charge des droits humains, de l’intégration et de la lutte contre les discriminations, «ce résultat s’explique d’une part par notre incapacité à pouvoir répondre pleinement à un questionnaire dont les critères ne recouvrent pas complètement les actions menées avec une approche française. D’autre part, il faut mieux sensibiliser l’ensemble de l’administration parisienne aux enjeux portés par l’ICC».

 

Marie Atallah va plus loin. Elle est actuellement conseillère du 13e arrondissement et a présidé en 2017 la Mission d’Information et d’Évaluation (MIE) sous le titre «Paris ville interculturelle: liens, pratiques et politiques publiques». Pour elle, le résultat de Paris dans l’Index est la conséquence des blocages historiques, culturels et réglementaires. Elle mentionne notamment la conception de l’intégration en France, basée sur le modèle assimilationniste, l’interdiction de réaliser des statistiques ethniques et le passé colonial français.

 

Indicateur : Gouvernance de la diversité

Concernant cet indicateur où la ville de Paris a fait son plus bas score, le Programme des cités interculturelles affirme qu’il «s’agit de la mesure la plus déterminante et la plus audacieuse qu’une ville peut adopter pour renforcer son caractère interculturel. La représentation démocratique et les processus décisionnels doivent être ouverts à tous les habitants, indépendamment de leurs origines, de leurs nationalités ou de leurs situations au regard du droit de séjour».

 

L’Index signale que «Paris n’a pas encore mis en place une instance politique spécifique chargée de représenter les minorités ethniques/migrants et/ou de traiter des questions liées à la diversité et à l’intégration». Il mentionne toutefois un point positif. «Afin d’encourager les migrants et les minorités à s’engager dans la vie politique, la ville de Paris a créé les Conseils de quartier ouverts à tous les habitants, quelle que soit leur nationalité».

 

Paris a créé en 2018 le Conseil parisien des Européens, une instance consultative sur des sujets liés à l’Europe, composé de 61 citoyens des divers pays européens. Mais il n’existe aucun organisme de représentation spécifique au niveau municipal (ni en Île-de-France) pour les citoyens extracommunautaires: à Paris, ils sont 219 439; en Île de France, 1 253 999 selon les données de recensement de la population de l’Insee en vigueur au 1er janvier 2020. Cela veut dire que 10% de Parisiens et 10,3% de Franciliens n’ont pas le droit de voter dans les élections locales. Et cela même s’ils résident légalement, travaillent et payent leurs impôts en France.

 

«10% de Parisiens et 10,3% de Franciliens  n’ont pas le droit de voter dans les élections locales même s’ils résident légalement, travaillent et payent leurs impôts en France»

 

Sous la devise «Tous Parisiens, tous citoyens», Bertrand Delanoë, ancien maire de Paris, avait créé en 2002 le Conseil de la citoyenneté des Parisiens non communautaires. Les buts de cette instance étaient de «corriger une injustice démocratique». Ainsi que de promouvoir la participation politique des Parisiens non européens. Ce conseil municipal n’existe plus aujourd’hui.

 

Romero-Michel affirme que «de nombreuses instances représentatives existent et permettent de donner la parole et de prendre en considération les habitantes et les habitants de la capitale, qu’ils soient de nationalité française ou non, de citoyenneté européenne ou non». Outre les instances mentionnées ci-dessus, il donne comme exemples cinq autres conseils et une commission. Néanmoins, quelques uns ne se réunissent plus et leurs actions ne sont pas en lien direct avec la diversité. Romero-Michel concède néanmoins que «la participation électorale est au cœur de notre réflexion».

 

Le droit de vote en France demeure lié à la nationalité. Sauf pour les ressortissants d’un État membre de l’Union européenne résidant en France. Ils peuvent voter ou être élus mais uniquement aux élections municipales et européennes. Quant aux étrangers extracommunautaires, ils n’en ont pas le droit. La France fait partie des onze pays de l’Union européenne qui s’opposent au droit de vote des étrangers non-européens: l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie, la Bulgarie, la Croatie, la Lettonie, la Pologne, la Roumanie, la Grèce et le Chypre.

 

Le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales faisait partie de 110 propositions du candidat socialiste François Mitterrand. Pendant sa présidence, il ne l’a pas fait voter. Nicolas Sarkozy s’était d’abord prononcé en faveur de ce droit mais il a fini par y renoncer. Dernière tentative, le gouvernement de François Hollande prévoyait de le faire adopter par l’Assemblée nationale en 2013. Or, cela n’a finalement pas été mis en pratique.

 

Indicateur : Veille et compétences interculturelles

Par cet indicateur, le PCI entend que «les autorités publiques d’une cité interculturelle devraient être à même de détecter la présence de cultures différentes et d’apporter des réponses adaptées aux défis qui pourraient se poser, plutôt que de chercher à imposer une solution standard à toutes les situations…».

 

L’Index signale que les autorités parisiennes ne diffusent pas d’informations sur la diversité ni sur les relations interculturelles. Il ajoute que la ville ne conduit pas de sondages à ce sujet. Néanmoins, il reconnaît que Paris favorise les compétences interculturelles de ses agents publics via des formations qui visent à promouvoir l’égalité et combattre la discrimination. Dans ses préconisations, l’Index recommande vivement de réaliser régulièrement des sondages sur la perception que le public a des migrants et/ou des minorités.

 

En ce qui concerne la réalisation de statistiques et la diffusion d’information portant sur les minorités, la loi française interdit l’identification de «groupes ethniques». D’ailleurs, l’absence de réponse à six questions (sur 73) de l’Index demandant les origines ethniques de la population parisienne a eu une incidence légèrement négative sur le résultat de Paris. Seules des informations relatives à la composition de la population parisienne ont pu être apportées. Pour cela, on a utilisé les critères de nationalité et de pays de naissance établis par l’Insee.

 

«Les statistiques [ethniques] seraient utiles  pour faire évoluer les politiques publiques, pour comprendre la vie sociale dans une ville  et pour adapter toutes les politiques aux cultures d’origine»

 

«Les statistiques ethniques ne sont pas autorisées en France, ce qui est très bien, je pense, de par notre Histoire», allègue M. Romero-Michel. «Il ne faut pas oublier que la France reste très marquée par le fichage des juifs sous le régime de Vichy pendant la Seconde Guerre mondiale. De façon collatérale, l’évaluation des actions de la Ville en faveur de l’intégration et de l’inclusion a été impactée par ces dispositions et cet héritage historique».

 

De son côté, Mme Atallah trouve que cette interdiction est négative. «Ma conviction est qu’il faut prendre en compte les cultures d’origine pour pouvoir travailler sur l’intégration». Pour elle, il s’agit de l’un des blocages réglementaires qui empêche un meilleur classement de Paris sur l’Index.

 

«La question de la collecte de statistiques relatives à l’origine ethnique est sensible et complexe. C’est la raison pour laquelle il faut l’aborder. Je me réjouis de voir que la société française commence à ouvrir le débat», déclare Ivana D’Alessandro, cheffe de l’Unité du programme des Cités Interculturelles du Conseil de l’Europe. «Ces données sont essentielles afin de mesurer l’étendue du racisme et de la discrimination systémique, de cibler les actions de lutte contre le profilage racial et social, et de réduire les inégalités. Dans les pays où ces données sont collectées, avec évidemment tous les garde-fous propres aux démocraties respectueuses des droits humains et de l’état de droit, elles constituent aussi un élément de preuve essentiel pour les victimes de discrimination».

 

Indicateur : Médias et communication

D’après le PCI, les médias ont une incidence considérable sur la réputation et la perception de certains groupes minoritaires auprès de la population majoritaire. En ce qui concerne cet indicateur, l’analyse des résultats de l’Index se montre sévère. «Paris n’assure pas la promotion d’une image positive des migrants et/ou des minorités dans les médias. Qui plus est, la Direction de la communication ne s’efforce pas de valoriser la diversité». Il exhorte la ville de Paris à surveiller la façon dont les médias dépeignent les minorités et les migrants.

 

Face à ces critiques de l’Index, PARISCOSMOP a voulu recueillir le point de vue de Caroline Fontaine, directrice de la Direction de l’information et de la communication (DICOM) de la Mairie de Paris, mais elle n’a pas donné suite à nos sollicitations.

 

L’Index accorde que l’influence de la ville de Paris peut avoir sur les médias est limitée. Néanmoins, il l’invite à établir avec eux des partenariats pour rendre l’opinion publique plus favorable aux relations interculturelles. Le PCI établit que les cités interculturelles, dans leur communication, doivent attirer constamment l’attention sur la contribution positive des personnes issues de la migration et de minorités au développement social, culturel et économique de la ville. L’Index mentionne pourtant le soutien de Paris à la Maison des journalistes, une association qui accueille les journalistes étrangers persécutés dans leur pays d’origine.

 

Indicateur : Services publics

Sur cet indicateur, le PCI signale qu’une ville interculturelle «reconnaît que l’adoption d’une approche unique pour les services publics ne garantit pas l’égalité d’accès aux prestations sociales. Par ailleurs, les prestations et informations fournies par les services publics le seront de façon plus efficace et plus pertinente si les agents de la ville, à tous les niveaux hiérarchiques, reflètent la diversité de la population générale».

 

L’Index pointait en 2017 que Paris n’avait pas un plan de recrutement pour diversifier le personnel municipal. Il recommandait d’introduire des initiatives pour accroître la représentation des immigrés aux plus hauts niveaux hiérarchiques. À ce sujet, Paris est l’une de cinq villes françaises avec Bordeaux, Dijon, Lyon et Nantes à détenir depuis 2018 le label Diversité et égalité professionnelle. Cette certification de l’Afnor engage la ville à la prévention des discriminations, le respect de l’égalité des chances et la promotion de la diversité dans la gestion des ressources humaines.

 

D’autre part, l’Index signale que «même si Paris ne prend pas de mesures pour encourager la mixité interculturelle dans le secteur privé, elle offre une grande variété de services pour répondre aux besoins divers et variés de sa population multiethnique et multiconfessionnelle». Il cite des exemples concrets: «la ville propose différents types de services funéraires et lieux de sépulture. En outre, les cantines scolaires proposent plusieurs types de repas en réponse aux besoins alimentaires des élèves».

 

«Les équipements sportifs de la ville devraient prévoir des plages horaires réservées aux femmes afin de répondre aux besoins spécifiques de certaines»

 

Néanmoins, l’Index demande à Paris de diversifier davantage les services proposés. Il va encore plus loin en préconisant que «les équipements sportifs de la ville devraient prévoir des plages horaires réservées aux femmes afin de répondre aux besoins spécifiques de certaines». À ce sujet, qui soulève toujours des controverses en France car il est susceptible de porter atteinte aux principes de laïcité, l’Index mentionne les cas d’Erlangen (Allemagne) et d’Oslo. Ces deux villes proposent des créneaux réservés aux femmes dans les piscines publiques, «ce qui encourage les femmes à faire du sport, indépendamment de leur sensibilité culturelle ou religieuse».

 

Dans le préambule du rapport des résultats de la ville de Paris, le PCI reconnaît que «le modèle républicain est une spécificité française qui se caractérise par l’affirmation de l’égalité de traitement de tous au sein de la société et par la neutralité de l’État à l’égard des appartenances privées (pratiques religieuses et culturelles) qui se traduit notamment par le respect du principe de laïcité». Le PCI indique aussi que Paris met en place un grand nombre d’actions en faveur du vivre ensemble, du lien social, de la citoyenneté en direction de l’ensemble des Parisiens.

 

Romero-Michel se prononce dans le même sens: «nous sommes très attachés à des fondamentaux comme la Laïcité et notre approche universaliste». Pour lui, il s’agit bien d’une spécificité française qui explique en partie les résultats de Paris dans l’Index. «Cela ne nous empêche aucunement de mettre en œuvre des actions ambitieuses à destination de l’ensemble des Parisiennes et Parisiens sans distinction : logement, emploi, éducation, culture, santé…».

 

De l’assimilation à l’interculturalisme

Les résultats de Paris dans l’Index soulèvent des questions épineuses. Le modèle républicain d’intégration français, dit aussi assimilationniste, contraint-il la ville de Paris à mettre en œuvre des politiques interculturelles ? Et encore, jusqu’où les responsables politiques municipaux ont-ils les mains liées pour mettre en pratique les préconisations du rapport du PCI et pour adopter certaines de bonnes pratiques mises en œuvre dans d’autres villes analysées par l’Index ?

 

Un papier de 2017 de la Fondation Robert Schuman, écrit par la chercheuse Sabine Choquet, signale qu’il est courant d’opposer deux grands modèles d’intégration: l’assimilationnisme et le multiculturalisme. «Le premier, aussi nommé «modèle républicain», revendique un aveuglement à l’égard des différences culturelles et religieuses. Fondé sur le principe de l’égale dignité des citoyens, il se fonde sur une politique universaliste attribuant à tous les mêmes droits, abstraction faite de leurs différences. Le modèle du multiculturalisme repose au contraire sur une politique de la différence qui se fonde lui aussi sur un postulat universaliste: tous les citoyens doivent avoir le droit de vivre en conformité avec leur culture et leur religion».

 

Mme D’Alessandro atteste des limites de ces deux modèles. En ce qui concerne l’assimilationisme, «il a laissé de côté les droits culturels et se contente d’établir une égalité des droits par le droit». Quant au multiculturalisme, «le fait qu’il conditionne l’accès à certains droits, à l’appartenance à certains groupes, termine par donner trop d’importance aux différences entre les groupes et nuit à la prévention de la ségrégation et à la confiance et la cohésion interculturelles». Face à ces limites, une troisième voie promue par le Conseil de l’Europe fait son chemin depuis quelques années: l’interculturalisme. «Il s’est construit et se construit à partir d’expériences préexistantes, y compris les avantages et les lacunes des modèles assimilationniste et multiculturel».

 

«L’héritage culturel et l’identité sont fluctuants, peuvent se croiser et même se chevaucher, se nourrir et s’enrichir de toutes les cultures et de tous les échanges»

 

L’interculturalisme est un nouveau modèle politique d’intégration. Il vise à assurer l’égalité et la cohésion dans des sociétés culturellement diverses. Et encourage la mixité et l’interaction entre personnes d’origines, de cultures et de milieux différents. Selon ce modèle, l’héritage culturel et l’identité sont fluctuants et peuvent se nourrir et s’enrichir de toutes les cultures et de tous les échanges. Il prône que l’interaction entre cultures dans des sociétés mondialisées et diverses est inévitable et souhaitable.

 

«La grande révolution de l’interculturalisme est qu’il reconnaît que l’inclusion n’est pas seulement une question de droits. Il ne peut y avoir davantage de diversité sans égalité réelle, et il ne peut y avoir d’égalité réelle sans un changement dans la façon dont les politiques sont conçues et les services sont dispensés…», déclare Mme D’Alessandro.

 

La France reste attachée à un modèle d’intégration assimilationniste. Pourtant, il commence à y avoir des voix qui appellent à un changement de voie. Le Code civil établit que pour acquérir la nationalité française «nul ne peut être naturalisé s’il ne justifie de son assimilation à la communauté française…». Un étranger peut se voir refuser d’être naturalisé français par «faute d’assimilation». En décembre 2020, le président de la République, Emmanuel Macron, déclarait dans l’Express «dans notre Code civil figure encore cette notion très problématique d’assimilation. Elle ne correspond plus à ce que nous voulons faire».

 

«La vision parisienne de l’intégration dont j’ai la charge n’est pas celle de l’assimilation»

 

Romero-Michel défend que «la vision parisienne de l’intégration dont j’ai la charge n’est pas celle de l’assimilation. Il s’agit plutôt de faire en sorte pour toutes les personnes, quels que soient l’origine, le statut, le parcours, de pouvoir accéder aux droits communs, sans perdre de vue les spécificités et les difficultés de chacun. Je ne crois pas que le Conseil de l’Europe, dont l’objectif est de rapprocher et non de diviser les États membres, soit d’imposer un modèle plutôt qu’un autre. Nous regrettons en partie les difficultés qui peuvent émerger avec un questionnaire [celui qui sert à élaborer l’Index] qui, fatalement, s’inscrit dans un modèle différent de celui que vous [le journaliste] appelez assimilationniste».

 

Mme D’Alessandro constate que «les villes qui ont des meilleures performances dans notre Index bénéficient aussi d’un contexte national propice à la mixité, à l’interaction interculturelle, à l’hybridation des cultures. Le niveau de confiance mutuelle entre les populations et le sentiment de sécurité et de prospérité sont plus élevés dans les pays où la diversité est considérée en tant que richesse, où les politiques étatiques investissent dans le renforcement des capacités des nouveaux arrivants, que ce soient des personnes migrantes ou réfugiées, afin de faciliter voire accélérer leur autonomisation et intégration».

 

Même s’il reste inscrit dans le Code civil français, le langage officiel banni de plus en plus le terme «assimilation». On le remplace souvent par celui d’intégration qui autorise le maintien de certaines différences: Réseaux d’éducation prioritaire (REP), la Loi d’orientation pour la ville, les conventions d’Éducation prioritaire… «Ces programmes ont pour but de compenser des inégalités sociales, mais la France reste opposée à toute distinction sur la base de l’origine, de la religion ou de la couleur de peau, même si ce traitement différentiel vise à compenser une discrimination», affirme Mme Choquet dans son papier.

 

Place à l’optimisme ?

Mme Choquet cite dans son article le rapport annuel de 1996 du Conseil d’État: «Le principe d’égalité n’atteint réellement son but que s’il est aussi le vecteur de l’égalité des chances. Celle-ci doit être promue activement pour enrayer l’aggravation des inégalités économiques, sociales et culturelles. Une telle action peut passer par une différenciation des droits, dès lors que l’intérêt général résultant de l’objectif de réduction des inégalités rend juridiquement possible une dérogation raisonnable au principe d’égalité des droits».

 

Mme D’Alessandro exprime son enthousiasme: «il y aura toujours un conflit potentiel entre un modèle qui avance et qui s’adapte aux changements de contexte et un modèle qui reste figé, se replie sur lui-même ou qui essaye de contraster la dynamique de la société. Mais je ne crois pas qu’on puisse dire que la France se trouve dans cette situation. Il y a des réflexions en cours, des prises de parole, des mécanismes de participation d’un nouveau genre, et il y a une compréhension commune des droits humains et de la dignité humaine. Ouvrir le débat sur les questions identitaires est en soi une bonne chose; il faut cependant veiller à ce qu’il garantisse finalement l’égalité réelle de populations de plus en plus marquées par la diversité et néanmoins unies par des valeurs communes. J’ai espoir!».

 

Mme Atallah se montre moins optimiste mais en même temps convaincue que c’est l’interculturalité le modèle à suivre. En étant conseillère de Paris en 2017, elle avait présidé la Mission d’information et d’évaluation (MIE) «Paris ville interculturelle : liens, pratiques et politiques publiques». Le Conseil de Paris a voté cent recommandations autour de grands thèmes parmi lesquels valoriser l’apport de la diversité culturelle, contribuer à une école plus interculturelle, favoriser le plurilinguisme… Mais la priorité était surtout de doter Paris d’une «charte pour un Paris interculturel» et d’une stratégie d’exécution conséquente. Quatre ans après, cela reste lettre morte.

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