Paris et nulle part ailleurs : 24 artistes étrangers en 100 œuvres

Portrait d'artistes

Portrait de groupe avec Maria Helena Vieira da Silva, Jacques Germain, Georges Mathieu, Jean-Paul Riopelle, Zao Wou-Ki et Pierre Loeb, 1953 / © Denise Colomb - RMN-Grand Palais

Perdre ses repères pour en créer de nouveaux. Entre 1945 et 1972, Paris est un carrefour cosmopolite. Des créateurs du monde entier s’y rendent pour nourrir leur travail de nouvelles esthétiques. Ils viennent d’Europe, des Etats-Unis, d’Amérique latine, de Maghreb, d’Afrique, d’Extrême-Orient… Le musée de l’Histoire de l’immigration présente 24 de ces artistes et réunit plus d’une centaine de leurs œuvres. L’exposition À Paris et nulle part ailleurs est ouverte jusqu’au 22 janvier 2023. Venez revivre la grande effervescence de la vie artistique parisienne et soyez témoin des mutations profondes de l’art.

 

Les œuvres de l’exposition proviennent de collections privées et publiques : dessins, sculptures, peintures, collages… Les artistes exposés sont les Roumains Daniel Spoerri et André Cadere, les Argentins Julio Le Parc, Alicia Penalba et Antonio Seguí, le Libanais Shafic Abboud, l’Islandais Erró, le Japonais Tetsumi Kudo, le Cubain Wifredo Lam, l’Italienne Milvia Maglione, les Hongrois Victor Vasarely, Véra Molnar et Judit Reigl, les Vénézueliens Carlos Cruz-Diez et Jesús Rafael Soto, la Sénégalais Iba N’Diaye, le Haïtien Hervé Télémaque, l’Espagnol Eduardo Arroyo, le Maroicain Ahmed Cherkaoui, le Monténégrin Dado, le Chilien Roberto Matta, l’États-Unienne Joan Mitchell, la Portugaise Maria Helena Vieira da Silva et le Chinois Zao Wou-Ki.

 

L’exposition s’organise autour de quatre thématiques. S’exiler, mêler sa culture d’origine et celle d’accueil, réagir à l’étrangeté du monde que l’on découvre, et construire un langage universel sans frontières. Paris et nulle part ailleurs évoque les motivations du départ, l’installation, la sociabilisation et un quotidien parfois difficile dans une ville cosmopolite. Si certains artistes viennent à Paris pour apprendre leur métier ou rejoindre un mouvement artistique, d’autres fuient un régime politique ou une société hostile.

 

L’exile

L’expérience de la migration constitue souvent un grand changement dans l’existence qui transparaît dans les œuvres. Ces nouveaux arrivants vont être les propagateurs d’une abstraction puis d’une figuration à connotations politiques. Ils vont parvenir à de nouveaux langages plastiques souvent issus de la diversité de leurs racines. La vie d’avant est souvent en arrière-plan et les aventures individuelles prennent sens au regard de la grande Histoire.

 

Alicia Penalba sculpte en pensant aux paysages argentins de son enfance. Hervé Télémaque évoque Haïti où il a grandi et observe une « Douce France » à l’humour raciste. Le Monténégrin Dado traduit en visions douloureuses ses souvenirs d’enfance dans sa patrie envahie par les nazies. Eduardo Arroyo raille la bourgeoisie complice de la dictature franquiste d’une Espagne qu’il a décidé de quitter.

 

Hybridations

L’étranger est au carrefour de plusieurs cultures, qui parfois se mêlent, parfois entrent en tension. Les artistes viennent s’imprégner à Paris des chefs-d’œuvre historiques et se nourrir de la création contemporaine. Hybridation, métissage, dialogue, influences réciproques : leur style, établi durant leurs années de formation, change au contact des mouvements artistiques parisiens.

 

Wifredo Lam associe cubisme, influences picassiennes et surréalisme aux symboles et rites afro-cubains. Zao Wou-Ki croise peinture traditionnelle chinoise et abstraction lyrique. Le Marocain Ahmed Cherkaoui peuple ses œuvres abstraites de symboles berbères. Maria Helena Vieira da Silva garde en mémoire les perspectives urbaines de sa Lisbonne natale, et Shafic Abboud des souvenirs de la lumière libanaise. Joan Mitchell revisite l’expressionnisme abstrait new-yorkais en s’imprégnant des paysages des impressionnistes. Iba N’Diaye se nourrit des maîtres classiques pour peindre les mythologies sahéliennes.

 

Une période sous-estimée

La diversité de la vie artistique parisienne des années 1945-1970 a été longtemps sous-estimée par les historiens d’art hors de France. La montée en puissance de l’art américain entre 1950 et la fin des années 1970 n’est pour rien. Avec cette exposition, le commissaire Jean-Paul Ameline remémore ce rassemblement international d’artistes sans équivalent dans les autres capitales mondiales.