Une lacune historique importante. La vague des immigrés venus d’Algérie pour travailler dans l’industrie française au tournant des 19e et 20e siècles est bien documentée. Mais ce que l’on connaît moins c’est toute la création musicale qui accompagne cette immigration. L’exposition Douce France. Des musiques de l’exil aux cultures urbaines met fin à ce trou de mémoire. Jusqu’au 8 mai 2022, au Musée des arts et métiers (3e), venez parcourir le chemin qui va des revendications «Beur is beautiful» jusqu’une France multiculturelle «black blanc beur».
L’exposition est dédiée au métissage culturel autour de la personnalité de l’artiste engagé Rachid Taha. Un parcours chrono-thématique se déroule à travers la trajectoire singulière du chanteur et musicien: vidéos, photos, affiches, objets, enregistrements audio, archives publiques et privées. Douce France met en exergue les grandes séquences de la carrière de l’artiste à la lumière de l’histoire de l’immigration maghrébine en France et des enjeux de l’interculturalité.
Douce France revisite l’émergence artistique de la génération dite «beur», symbole de l’intégration métissée et joyeuse d’une jeunesse issue de l’immigration. Pionnier et figure tutélaire par ses engagements dans la lutte contre le racisme et les discriminations mais aussi par la richesse de ses expériences musicales, Rachid Taha a ouvert la voie à toute une galaxie d’artistes qui incarnent aujourd’hui le talent et la créativité française.
«L’exposition Douce France n’est pas un clin d’œil mais bien un retour vers une jeunesse rebelle qui trouve dans la musique et l’art un moyen d’apaiser les tensions identitaires. L’appel à une France qui s’ouvre sur des cultures et des langues en contact. Pour dire aussi que l’histoire culturelle nous amène toujours là où on ne l’attend pas, vers des croisements, des métissages, des rencontres qui nous conduisent au-delà de toutes les frontières». Ce sont les mots des deux commissaires de l’exposition: l’enseignante-chercheuse Myriam Chopin et l’historienne Naïma Huber Yahi.
«Douce France, cher pays de mon enfance…»: cette chanson de Charles Trenet célèbre une France des clochers aux paysages pittoresques figée dans les mémoires. Avec malice, Rachid Taha et son groupe Carte de Séjour proposent une reprise aux sonorités de rock oriental. Cette chanson devient par la suite l’hymne d’une jeunesse antiraciste qui se mobilise en faveur d’une France multiculturelle.
Multiculturelle, pleine donc d’influences… c’est précisément ce qui définit la musique de Rachid Taha: «Je ne suis pas un chanteur de raï mais un rocker. C’est ça mon univers, même si les racines de ma culture musicale et de mes émotions restent profondément algériennes, mon tronc est français et mes branches internationales».
Depuis les années 40, Paris est devenue la capitale des musiques métissées. La diversité fait partie du paysage culturel. Toutes les musicalités s’influencent, s’interpénètrent: des répertoires régionaux à la musique classique arabe, au rock ou encore à la chanson de variété. Pour reconstruire le récit de ce métissage culturel, artistique et linguistique qui nourrit la France, il faut suivre le déroulé de toute une histoire sociale et politique, l’appréhender dans toute sa diversité. C’est tout ce qui propose cette exposition remarquable réalisée par le Conservatoire national des arts et métiers en partenariat avec Villes des Musiques du Monde, l’Institut national de l’audiovisuel (INA) et le Musée de l’histoire de l’immigration.
Infos pratiques
60, rue Réaumur 75003 Paris | |
Jusqu’au 8 mai 2022 | |
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