Expositions à l’Institut du monde arabe

Ce que la Palestine apporte au monde : portrait aux multiples facettes

Bouddha, exposition musée Guimet

Mohamed Abusal, Un métro à Gaza, 2011 / © Mohamed Abusal

 

La Palestine dans toute sa beauté artistique, poétique et culturelle. L’Institut du monde arabe (5e) dédie à la Palestine pas une, mais quatre magnifiques expositions sous le titre Ce que la Palestine apporte au monde. Peintures, sculptures, photographies, lithographies, manuscrits, poèmes, art digital… Chaque salle rend « palpables et concrètes la vitalité et la créativité d’une société sous le joug de l’occupation, et invite à imaginer un avenir… désirable ». Une programmation culturelle abondante complète cet événement exceptionnel. Enrichir son expérience de la Palestine sans quitter Paris, voilà la proposition de l’IMA jusqu’au 31 décembre 2023.

 

Les expositions donnent à voir la Palestine à travers plusieurs collections. Celles du Musée national d’art moderne et contemporain de la Palestine, amorcée et en devenir ; du musée de l’Institut du monde arabe ; du Musée des nuages, virtuelle et en construction ; de l’Institut de la mémoire de l’édition contemporaine avec les papiers et des manuscrits de Jean Genet ; des photographies lithographiées du 19e siècle ; et d’un corpus des photographes palestiniens contemporains. « Que la Palestine fasse collection contredit les tentatives de nier son existence, celle d’une terre, d’un peuple, d’une culture », affirme Elias Sanbar, commissaire général de l’exposition.

 

Musée national d’art moderne et contemporain de la Palestine

L’IMA abrite depuis 2016 la collection du Musée national d’art moderne et contemporain de la Palestine. Elle se compose de dons volontaires d’artistes des cinq continents. On leur a demandé de choisir parmi leurs travaux ce qu’ils souhaitaient donner à voir aux Palestiniens. Le choix d’œuvres exposées met en avant la diversité des courants allant de l’informel à l’hyperréalisme : Bruce Clark, Jef Aerosol, Julio Le Parc, Jean-Michel Alberola, Hamed Abdallah, Hervé Télémaque, Jo Vargas, Amadaldin Al Tayeb, Anne-Marie Filaire…

 

Parcourir toutes les œuvres de cette première salle devient une sorte de visite virtuelle et une expérience émouvante. Les tableaux et les sculptures sont bien là. Mais le musée qui doit les abriter n’existe pas encore et sa construction en Palestine est très incertaine.  Même si les architectes bénévoles intéressés ne manquent pas. Le commissaire M. Sanbar explique que le projet du Musée national d’art moderne et contemporain de la Palestine s’inspire de ceux de l’Afrique du Sud et du Chili. Tous les deux ont été constitués pendant l’Apartheid et la dictature à partir de dons de différents artistes. Interrogé sur la viabilité du musée, le commissaire répond que ces deux musées sont bien, aujourd’hui, une réalité !

 

Artistes palestiniens dans la collection de l’IMA

La deuxième salle accueille la collection moderne et contemporaine du musée de l’IMA. Elle inclut des œuvres d’artistes palestiniens et du monde arabe témoignant et dénonçant le sort fait au peuple palestinien depuis la Nakba en 1948. Toutes ces œuvres disent leurs déplacements journaliers entravés, leur existence intime, leurs interactions dans un espace public contraint…

 

Des œuvres de Paul Guiragossian, Ahmed Nawash, Chaouki Choukini et Soleiman Mansour parmi d’autres sont relayées par le poème de Mahmoud Darwich « Éloge de l’ombre haute ». Le même qu’il a déclamé devant le parlement palestinien en exil à Alger, en février 1983. Sa poésie n’a cessé de guider la main de nombre de plasticiens, de toutes nationalités, qui font écho à la lutte palestinienne pour retrouver une liberté sur une terre dont une population a été dépossédée.

 

Images de Palestine

Les deux registres d’images de la troisième salle partagent un medium commun, la photographie, et une réalité commune, la Palestine. Elles ont été prises au 19e siècle et de nos jours. Pourtant tout sépare, distingue et oppose ces deux ensembles. La première partie, orientaliste, aura de lourdes conséquences, des décennies durant. Ces « cartes postales » font de la Palestine une Terre sainte, figée dans le temps. Cet ensemble réunit une trentaine de vues avec des paysages, des scènes de genre et des portraits, tirées selon un procédé technique ancien.

 

La seconde partie, contemporaine, manifeste l’énergie vitale de créatrices et créateurs. Elle souligne leur inventivité faite d’humour et d’autodérision afin de surmonter la pesanteur de leur quotidien. À Gaza, en Cisjordanie, à Jérusalem, de la Palestine historique et de la diaspora, la sélection rassemble une diversité de photographes nés entre les années 1960 et 1990.

 

Les valises de Jean Genet

Jean Genet n’a pas manqué de contribuer à la Revue d’études palestiniennes. Notamment avec un puissant témoignage après les massacres dans les camps de réfugiés de Sabra et Chatila, en 1982. Quinze jours avant sa mort, en avril 1986, Jean Genet remet à son avocat deux valises de manuscrits. Parmi un fouillis de lettres, de factures d’hôtel et de notes, elles abritent également les traces d’un compagnonnage avec les Palestiniens.

 

Outre les valises, cette quatrième et dernière salle montre aussi des manuscrits et des tapuscrits des textes de Jean Genet. Notamment ceux qui commentent les photographies de Bruno Barbey prises en Palestine entre 1969 et février 1971. Ces textes annoncent certains passages d’Un captif amoureux, le plus grand livre écrit par un auteur occidental sur les Palestiniens en lutte. Les valises donnent à lire les étapes de sa rencontre avec le peuple palestinien. Celui-ci est devenu l’objet central de son livre testamentaire.

 

Ode à la créativité

Dans toutes ces salles, la Palestine n’est ni fantasmée ni stéréotypée, mais bel et bien habitée et incarnée. L’accrochage donne à voir des œuvres qui libèrent l’espace mental et l’imaginaire, qui créent du possible et du dialogue entre la Palestine et le monde, qui proposent des identités nouvelles au pays. Par des styles très personnalisés, ces artistes revendiquent leurs droits, autant d’auteurs que de citoyens : à créer, à s’exprimer, à circuler, à se divertir à imaginer, en somme à vivre « normalement ».